Pour sa troisième journée, la Semaine du Foncier 2024 a pris une dimension territoriale exceptionnelle en se déployant simultanément sur trois sites stratégiques : Nguèye Hôtel, Friedrich Ebert Stiftung (FES), et le Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et la Démocratie en Afrique Centrale (CNUDHD-AC).
Autour du thème principal « Gouvernance foncière et Objectifs de Développement Durable (ODD) au Cameroun : enjeux et perspectives », cette journée a réuni acteurs gouvernementaux, experts techniques, institutions internationales, représentants autochtones, et membres de la société civile.

Ressources naturelles, climat et décentralisation au prisme du foncier
La session, co-modérée par la MAETUR et le MINADER à Nguèye Hôtel, a posé un regard transversal sur les liens entre climat, économie forestière, gestion décentralisée des terres et contentieux foncier.
Les points clés :
- L’empreinte carbone des concessions foncières exige une approche intersectorielle entre MINDCAF, MINEPDED, collectivités locales et communautés.
- La sylviculture est en danger du fait de la pression foncière : 40.000 ha/an sont visés par la SND30, mais les réserves forestières disparaissent.
- Les Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD) jouent un rôle majeur dans l’aménagement local mais restent marginalisées dans la gouvernance foncière.
- Le contentieux foncier explose, reflétant des déficits de connaissance des textes et de collaboration inter-administrative.
Recommandations phares :
- Renforcer la place des CTD et créer des services de veille foncière au niveau local.
- Intégrer pleinement les impératifs climatiques dans la réforme foncière.
- Formaliser un mécanisme de plaintes dans les projets à forte emprise foncière.
Outils d’aménagement, cadastre unifié, concessions et indemnisations
Autour de la Directrice des Domaines du MINDCAF, cette session a abordé la cohérence territoriale, la digitalisation, les acquisitions à grande échelle, et les expropriations au sein de Friedrich Ebert Stiftung (FES).
Les points clés :
- La non-prise en compte des outils d’aménagement du territoire dans la réforme foncière fragilise l’harmonisation des politiques.
- L’État œuvre à l’unification des cadastres (foncier, forestier, minier…) comme levier de stabilité et d’efficacité.
- Les concessions foncières restent très peu encadrées : aucune limite de superficie, faible suivi des cahiers de charges, risques d’accaparement.
- L’inadéquation entre les normes internationales (Banque mondiale) et les procédures locales d’indemnisation crée de forts retards et litiges.
Solutions proposées :
- Suspendre l’affectation de terres aux grands projets en l’absence de documents d’aménagement cohérents.
- Finaliser et vulgariser les cadres règlementaires sur les concessions foncières.
- Moderniser la gestion des expropriations via des outils numériques comme le LIDAR et les e-Tools d’évaluation, soutenus par la Banque Mondiale.
Investissements et droits fonciers des groupes marginalisés
Sous la modération de la Directrice du patrimoine au MINDCAF, cette session a mis l’accent sur la justice foncière pour les peuples autochtones, les femmes, les jeunes et les collectivités coutumières au Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et la Démocratie en Afrique Centrale (CNUDHD-AC).
Contributions marquantes :
- Majesté Bruno MVONDO, Président du ReCtrad, a appelé à faire des villages de véritables actionnaires dans les projets d’investissement.
- Le CED, par la voix du Dr NGUIFFO, a défendu les Directives Volontaires de la FAO comme instrument fondamental d’analyse et de gouvernance responsable.
- La GIZ/ProPFR a présenté les outils innovants comme le Certificat de Possession des Droits Fonciers Coutumiers et les attestations de jouissance paisible.
Recommandations spécifiques :
- Mettre en œuvre un projet de délimitation des territoires autochtones et envisager une loi dédiée aux peuples autochtones.
- Diffuser largement la Circulaire de février 2024 dans les chefferies et administrations.
- Vulgariser les Directives Volontaires auprès des chefs traditionnels et intégrer les droits coutumiers dans les futures réformes.
🎯 Une réforme foncière nationale, à la croisée des urgences sociales, environnementales et économiques
Cette 3ᵉ journée de la Semaine du Foncier 2024 confirme la nécessité d’une réforme foncière cohérente, équitable, inclusive et alignée sur les ODD. Les thématiques abordées – climat, droits communautaires, sylviculture, expropriations, décentralisation, unification des cadastres – touchent au cœur des enjeux de développement durable au Cameroun.
L’engagement des partenaires internationaux est plus que jamais décisif, pour soutenir techniquement, juridiquement et financièrement cette transition vers une gouvernance foncière moderne, participative et respectueuse des droits humains.